En route pour Poudlard ! [Qui veut ? ]

Eva avait en effet suivit son amie dans la calèche déjà occupée par un garçon. Il était brun et devait avoir l'âge des filles. Eva lui sourit, tout comme Lara, qui avait déjà commencé à parler. Puis un petit chaton mignon entra à son tour dans la calèche. Lara se présenta, et Eva fit de même au garçon :

- Moi c'est Eva !

Elle remarquait que Lara était toute excitée à l'idée d'aller à Poudlard, et cela se comprenait. Eva, elel aussi, avait vraiment hâte d'arriver. Malheureusement, d'après ce qu'elle avait entendu, le voyage durrait 6 jours ... Heureusement qu'elle s'était déjà fait une amie, parce que 6 jours toute seule dans une calèche ... Elle se demandait dans quelle maison elle allait être, et fit aux deux élèves :

- Vous allez être dans quelle maison, à votre avis ?

[Hj : Whaaaaaaa c'est court, désolée ...]

L’immense trajet entre Stalworthy Manor et la place Darieude avait été effectué en balai, et on a peine à imaginer combien ce vol coûta à Cecil, qui n’était guère accoutumé à rester trois heures durant sur le manche de bois lisse rendu encore davantage glissant par une exécrable bruine, mais était plutôt habitué à survoler l’île de Mona pour s’amuser, avec sa sœur Ginevra. Son cœur s’était à chaque fois serré à sa pensée, si douloureusement, que des larmes avaient obscurci son regard clair de nombreuses fois, et il avait plusieurs fois manqué de tomber. Et ce n’était guère le moment de chuter, ou de faire une pause : en effet, en dessous, ce n’était qu’une immensité d’eau, une mer agitée, glaciale, l’écume épaisse et blanchâtre. Cecil avait alors pris son mal en patience, encouragé par la pensée que s’il parvenait à tenir sur son balai jusqu’à la place Darieude, il quitterait le manoir familial, pour un autre lieu ô combien plus convivial – ou du moins, c’est ce qu’il s’imaginait -, l’école de sorcellerie Poudlard.

Quand, enfin, ses yeux embués de larmes avaient aperçu les terres, puis l’esquisse d’une ville, et qu’ils avaient piqué sur une place, la place Darieude, Cecil ressentit une bouffée d’excitation impossible à décrire, mais qui déferla en lui avec une telle force, qu’il avait eu envie de pleurer de joie. Mais sa fierté l’en empêcha, fort heureusement, et ce fut avec un sourire conquérant qu’il regarda autour de lui, curieux de voir à quoi ressemblait les autres futurs élèves. Mais pourquoi seraient-ils différents de lui-même ? Il n’y avait aucune raison logique… Mais n’ayant aucune envie de laisser s’éterniser le moment des séparations, et soucieux de l’écourter, du moins avec sa mère, il se mit à examiner la foule autour de lui. Elle était constituée la majeure partie d’enfants, qui étaient accompagnés de membres de leur famille ; certains croulaient sous les bagages, et d’autres soutenaient avec difficulté des cages de hiboux. Parfois, un crapaud sautait comiquement au-dessus de la foule, et c’était alors la débandade pour rattraper le fugueur baveux.

Après avoir serré affectueusement sa grande sœur dans ses petits bras, et versé des larmes amères, Cecil avait pris le temps de graver dans son esprit bouleversé les beaux traits de Ginevra, sa peau et ses yeux, aussi pâle et vert que les siens. Puis, quand ce fut le tour de sa mère Pandora, qui lui tendit sans ménagement la cage de sa chouette Madness et une minuscule valise, le garçon marqua un temps d’hésitation, et un silence embarrassé s’ensuivit. Il n’était guère habitué aux démonstrations d’amour maternel de sa génitrice, et n’en attendait pas maintenant. Aussi, lorsque cette grande belle femme hautaine se baissa raidement pour déposer un baiser glacial sur la douce joue de Cecil, son fils s’écarta d’elle, et lui lança un regard signifiant qu’il prenait lui-même congé d’elle, et que désormais, bien qu’il fût bien trop jeune, sa vie lui appartiendrait, loin de l’influence néfaste des autres Aird.

Les diligences arrivèrent alors, et pour ne pas avoir à subir le courroux maternel, Cecil empoigna la hanse de la cage de fer et la poignée de sa valise, et se rua vers ces étonnantes calèches, qui, étrangement, ne semblaient tirées par… du vide ? Une jeune fille surexcitée à ses côtés s’exclama qu’il s’agissait de Sombral, et le jeune garçon eut vaguement l’impression d’avoir lu quelque chose à ce sujet. Mais, bousculé par la foule, il n’eut guère le loisir d’y réfléchir longtemps, et, sans penser à rien, il s’engouffra dans une diligence, et il faillit s’étaler de tout son long en trébuchant sur les petites marches de fer qui permettaient d’y monter.

Avec désappointement, qui se métamorphosa bien vite en un sourire amusé, il songea que personne n’avait dû manquer sa ridicule petite entrée, et il se mit à se masser le poing, qui s’était malencontreusement écrasé contre la porte cloutée de chêne. Madness s’agitait follement dans sa cage, poussant des cris suraigus, et qui eurent tôt fait d’agacer fortement le jeune garçon. Il sortit de sa sacoche sa longue baguette magique, et en tapota doucement l’oiseau, qui poussa de nouveau un long cri plaintif, et se terra silencieusement dans un coin de la cage. Madness avait une peur folle des baguettes magiques, mais Cecil ne lui avait fait aucun mal. Il s’installa ensuite sur un coin de banquette libre, et posa ses maigres bagages. Il constata alors la présence d’un garçon, et de deux filles. Son regard s’alluma à la vue de celles-ci, et il ne put s’empêcher de soupirer avec ravissement :

« Par Merlin, et dire que ce n’est que le début des magnificences !... »

[Bon, je n'ai pas attendu ta réponse, Luke, j'espère que tu ne m'en voudras pas ! En tout cas, je réserve la dernière place de la diligence, message achevé ! (Eh oui, Cecil est déjà un incorrigible petit amoureux en herbe ! )]

Cecil fut quelque peu interloqué par le ton péremptoire de son voisin – Luke, puisque tel était son prénom -, mais choisit de ne pas intervenir : cela n’était pas ses affaires. Et puis, il pouvait y avoir une multitude de raisons à son attitude renfrognée : son propre tempérament, qui aurait très certainement préféré six jours de silence plutôt que dans le bruit, malgré le fait que les deux filles – et Cecil ? – n’aient guère l’air d’être bien turbulents… Ou bien, peut-être n’était-il pas aussi enchanté que les trois autres de son envoi à Poudlard… Chose que Cecil ne parvenait pas à imaginer, malgré son effort de compréhension, car il n’arrivait cette fois pas à se détacher de sa propre existence : cette toute récente école de sorcellerie, même mal famée et maléfique – ce qui n’était guère probable, même si Pandora Aird n’aurait pas reculé devant une horrible réputation de l’établissement où elle envoyait son fils, bien au contraire ! -, constituait la chance de sa vie ! La chance de s’évader enfin et durablement de Stalworthy Manor, de son ambiance pesante, son atmosphère comme chargé de poison, la froideur et la cruauté de sa famille, et leurs odieux traitements…

Mais malgré tout cela, malgré tous les mauvais souvenirs qui revenaient à la surface et qui y stagnaient désagréablement, avant de s’évanouir avec l’idée qu’ils ne trouveraient plus jamais d’échos, Cecil avait le cœur lourd, monstrueusement douloureux. En fait, la séparation d’avec sa sœur l’avait complètement déchiré… Elle qui avait été son seul refuge, la seule personne qui l’eut véritablement aimé, choyé ! Et combien cette affection débordante lui avait été rendue ! Leur complicité fraternelle, qui leur avait semblé inaltérable malgré leur cinq ans de différence d’âge, s’allait trouvée affaiblie au fil du temps, le garçon en avait le pressentiment. Les lettres remplies de réconfort et de tendresse, les cadeaux que Ginevra ne manquerait pas de lui envoyer n’y changeraient rien. Néanmoins, ce qui minait le plus le moral du jeune sorcier, était le comportement jubilatoire de ses parents, à l’idée de séparer pour un an le frère et la sœur, car ils avaient vu avec appréhension se développer un si tendre attachement entre les deux enfants, qui malheureusement n’avaient pas hérité – ou pas encore -, de la méchanceté innée des Aird, qui les auraient fait se taper dessus à n’en plus finir, et à se jouer des tours des plus féroces.

Soucieux de ne pas laisser apparaître son chagrin, Cecil s’efforça de faire bonne figure, et songea qu’il vaudrait mieux se joindre à la conversation des trois autres – ou plutôt, des deux autres. Cela lui rendrait peut-être sa bonne humeur inhabituelle, et un semblant de joie à l’idée d’entrer à l’école de Poudlard. Il pensa enfin à se présenter, tout en espérant ne pas s’être montré trop discourtois, en arrivant dans la diligence comme un voleur, sans même les avoir salué. Il leva sa petite main avec dynamisme, et déclara sur un ton jovial :

« - Cecil, Cecil Aird. »

La jolie fille aux longs cheveux bruns, Lara, posa ensuite deux questions. Le jeune garçon se dit avec amusement que décidément, Luke avait très certainement raison de craindre pour la tranquillité du voyage, car leurs deux futures camarades – il l’espérait très fort – se révélaient fort bavardes. Alors, Cecil choisit de parler un peu avec elles, avec l’idée que six jours coincés dans la diligence finiraient par leur peser, et qu’il était donc impératif de repousser le plus possible les petites occupations auxquelles il avait pensé avant de partir, comme de nettoyer la cage de Madness, toute sale et poussiéreuse, et qui deviendrait sans doute malodorante, ou de feuilleter encore et encore son grimoire, qu’il connaissait pourtant par cœur. En attendant, à la question de Lara concernant leur famille, il ne put s’empêcher de pousser un petit soupir à la fois contrit et fier :

« - Pour ma part, je viens d’une famille de sorciers depuis des générations et des générations… Ca peut paraître vraiment enviable, mais la pression est horrible… »

Puis, après qu’une adorable petite moue fût passée sur son beau visage pâle, les yeux verts de Cecil se posèrent de nouveau sur Lara et Eva, et une lueur compréhensive les traversa, bientôt suivie d’une autre, un rien charmeuse, pendant qu’il disait avec une exquise délicatesse, mais d’une voix assez basse pour ne pas contrarier Luke, à côté de lui :

« - Si vous voulez, j’en connais quelques-uns… Assez simples, certes, mais utiles quand même… Par contre, je ne sais pas trop si nous avons le droit d’user de magie avant de se trouver dans l’enceinte de l’école… Sinon, ç’aurait vraiment été avec plaisir ! De toute façon, j’espère très sincèrement que nous nous reverrons, même si nous ne sommes pas dans la même maison ! »

- Moi, c'est mon père qui est sorcier. Mais il vit à la moldue.

- Bah moi, je suis née dans une famille de Moldus ! Je suis peut-être la seule, qui sait ?

- Moi, je viens d'un famille sorcière aussi. Et je sais ce que c'est d'avoir la pression pour cette raison ...

« - Au regret de te décevoir, Lara, je ne crois pas que tu sois la seule… bien au contraire. »

Cecil eut un sourire timide pour Eva, avant de baisser vivement les yeux. Visiblement, ils provenaient tous de milieux différents – Luke et Lara, pour le moins. Mais, tout comme son compagnon, il était peu désireux de parler de sa famille : il venait à peine de la quitter, et en était bien heureux ! Même s’il était certain que de sombres cauchemars le ramèneraient sans tarder à Stalworthy Manor, défiant la distance, le temps, la raison… Il mettrait un certain temps à perdre la terreur que lui inspiraient à dessein sa mère et sa grand-mère, et les mauvais traitements gravés à jamais dans sa chair fragile seraient éternellement là pour rappeler ce qu’il avait vécu dans son enfance. Il se vit un instant descendre l’étroit escalier en colimaçon qui menait aux sous-sols du manoir de Man, d’où provenaient d’horrifiants cris de douleur… La curiosité était un vilain défaut, il l’avait appris à ses dépends.

Pour le coup, Cecil se mit à pâlir terriblement, et se renfonça davantage dans la pénombre de la diligence. Il ne voulait pas que l’on perçût la lueur d’épouvante et de crainte dans ses yeux clairs, et il se renferma soudainement sur lui-même. Lui qui avait penser être si fort, si courageux… voire même plus mûr ! Foutaises ! Prétention puérile ! Le petit sorcier se rendait en fait compte de sa fragilité : il suffisait de ne s’immerger que quelques secondes dans le passé, et voilà qu’il mourrait de peur, et perdait toute contenance ! Plongé dans son mutisme, il acquiesça silencieusement lorsque Luke approuva sa prudence quant à se servir de sortilèges. Tout d‘un coup, il se fichait complètement de faire bonne impression, de se faire des amis ou quoi que ce soit. Il lui fallait se ressourcer un peu, se rassurer en se répétant que cette diligence l’éloignait à chaque seconde de son île idyllique et diabolique.

Cela vous gêne-t-il que je sorte mon hibou ? Enfin, il va juste se dégourdir les ailes dehors, ne vous inquiétez pas.

- Non non, moi ça ne me gêne pas du tout. C'est normal que les animaux aient un peu de liberté. Ils n'en ont jamais assez, et sont trop enfermés. J'trouve.

« - Non, vas-y, je vais en profiter pour en faire de même… »

Cecil se leva lentement, et ouvrit la cage de Madness, endormie sur son perchoir. Il caressa affectueusement la petite chouette qui, voyant la porte de sa petite prison de fer ouverte, comprit systématiquement que son petit maître lui proposait de se dégourdir les ailes quelques heures. L’oiseau sortit subitement de son immobilité en poussant de nouveau des pépiements aigus qui firent se crisper Cecil, qui n’appréciait pas non plus les minuscules serres pointues qui entaillaient ses petits doigts, sous le coup de l’excitation. Il faut dire que Madness avait bien mal supporté le trajet en balai jusqu’à la place Darieude… Cecil avait même cru avec affolement qu’elle était morte, transie par le froid. A la suite de Luke, il respira avec une certaine satisfaction l’air frais et humide qui lui fouettait le visage, et Madness déploya ses ailes, qui étaient étrangement grandes par rapport au reste de son corps. Elle ressemblait à une chauve-souris rousse, avec son vol chaotique mais très rapide. Elle paraissait si comique, à côté du hibou sombre de Luke… Le jeune garçon ne put s’empêcher de murmurer inconsciemment son admiration, mais dénuée de tout sentiment de jalousie.

« - Jinn est vraiment magnifique… Tant de majesté… »

Cecil regagna ensuite sa place, souriant sans s’en rendre compte, en proie à une satisfaction aussi intense qu’inexplicable.

- Ah, et au fait ! Vous savez dans qu'elle maison vous serez ? Il y a des maisons vous savez ...

- Moi, je voudrais bien être dans n'importe quelle des maison. Je ne pense pas qu'il y en ait de moins et de moins bien. Et puis, elles ont sûrement toutes des atouts et des trucs moins bien.

Le jeune sorcier prit le temps de réfléchir, avant de lâcher d’un air tranquille :

« - Ma famille souhaite me voir à Serpentard, encore que je ne comprenne pas vraiment pourquoi… A vrai dire, je ne sais pas grand-chose à propos des Fondateurs et de leurs maisons, si ce n’est que chacune est différente, et prône des valeurs qui leur sont propres, comme leur tempérament… Enfin, je ne sais pas vraiment si on peut déterminer le caractère de quelqu’un en l’observant simplement… A mon avis, elles se valent toutes, au final. Une chose est sûre, c’est que j’aimerais bien ne pas me retrouver à Serpentard, rien que pour faire hurler ma grand-mère et ma mère… »

Cecil sourit en imaginant le tableau : la vieille Allegra, la doyenne toute fripée des Aird, enfoncée dans son fauteuil moisi, maugréant des menaces en concert avec sa fille Pandora, qui arpente rageusement le vieux salon glacial de long en large… Ah, quel plaisant spectacle ! Déclencher leurs foudres, tout en se sachant hors de portée à des centaines de lieues de là ! Quelle douce vengeance, fort médiocre face à ce qu’on lui avait fait subir, mais si douce ! Cecil pressentait que si sa famille voulait qu’il allât à la maison de Serpentard, ce n’était pas pour rien : il fallait obligatoirement que les actes du grand Salazar eûrent suscité l’approbation si rare des Aird pour qu’ils espèrent que leur fils y entrât. Avec une légère appréhension, le jeune sorcier aurait voulu approfondir un peu son raisonnement, lorsque le cri d’Eva le ramena soudainement à la réalité, en même temps que des désagréables chatouillis au niveau du mollet. Agacé, il gratta avec énergie sa peau sèche, avant de sentir se planter dans ses doigts de minuscules dents, mais ô combien pointues et douloureuses.

« - Ah, mais ça par exemple !... Le voilà, le vilain fugueur ! »

Au bout de son doigt était suspendu comiquement le fameux rat gris, qui mordait encore avec férocité, faisant couler des gouttes de sang pourpre sur le diaphane de sa main. De sa main valide, Cecil s’empara promptement du rat, qui se mit à couiner, et le rendit à Eva avant de revenir s’asseoir avec célérité sur la banquette, suçant son doigt meurtri.